Une partie du camp laïc critique la nomination de Mark Sherringham comme président du Conseil supérieur des programmes. Philosophe et haut fonctionnaire, il avait plaidé pour une introduction bienveillante de l’étude du fait religieux et du christianisme à l’école.
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La nomination d’un philosophe chrétien pour s’occuper des programmes scolaires fait polémique
Le Conseil supérieur des programmes (CSP) donne des avis et formule des propositions soit à la demande du ministre, soit en se saisissant d’une question qui relève de ses compétences (photo d’illustration).
Fred Tanneau/AFP
La polémique enfle depuis la nomination, le 4 février, de Mark Sherringham, à la tête du Conseil supérieur des programmes (CSP), en remplacement de Souâd Ayada, devenue directrice du nouvel Institut français d’islamologie.
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« Jean-Michel Blanquer ne peut pas s’ériger en chantre de la laïcité et nommer président du CSP une personne qui a fait preuve d’une telle partialité religieuse », s’insurge Rémy-Charles Sirvent, secrétaire général du Comité national d’action laïque.
« C’est là en effet un drôle de signal (juste avant l’élection présidentielle, de surcroît) que de nommer à la tête de cette instance très symbolique et très politique une personnalité autant préoccupée par la place du christianisme dans le champ éducatif et auteur de propos ambigus sur la laïcité », abonde la gauche républicaine et socialiste.
En cause, les prises de position de ce normalien, agrégé de philosophie, ex-conseiller des ministres de l’éducation François Fillon et Xavier Darcos. En 2009, dans Famille chrétienne, Mark Sherringham définissait l’école publique comme « l’héritière de l’école chrétienne », ce qui fait l’objet d’un large consensus parmi les historiens.
« Le danger qui guette aujourd’hui l’éducation, que l’on cherche d’un côté à y purifier le christianisme, ou de l’autre à la purifier du christianisme, est toujours le même : ne retenir qu’un des deux termes de la tension constitutive et aboutir par là à une éducation unidimensionnelle, qui devient incapable d’accueillir dans sa difficulté humaine la question du sens », soutenait-il surtout. Et de s’interroger : « Le moment n’est-il pas venu de réintroduire explicitement le christianisme dans le champ des questions éducatives les plus actuelles ? »
Ces déclarations font notamment écho à des propos tenus en 2004 lors d’une table ronde au Centre international d’études pédagogiques (France Éducation international). « La laïcité ne sera capable d’une refondation et d’un renouvellement que si elle accepte de penser à nouveau la relation de la vérité et des religions et de considérer que la religion n’est pas seulement un problème culturel mais bien une voie d’accès à la question des finalités ultimes de l’humanité. »
« À l’époque, je m’exprimais avant tout comme philosophe. Mes propos préfiguraient d’ailleurs l’esprit de la loi Fillon de 2005, qui a introduit l’étude du fait religieux à l’école. Il s’agissait ni plus ni moins de présenter la religion comme une réponse possible à un besoin métaphysique de l’homme », se défend l’intéressé, joint par La Croix, rejetant toute accusation de prosélytisme.
Interrogé au sujet de cette nomination, dimanche 13 février, dans l’émission « Questions politiques » (France Inter-France Télévisions-Le Monde), Jean-Michel Blanquer a assumé une ligne similaire : « Nous ne sommes pas l’Union soviétique, nous sommes la France, ça veut dire la laïcité, liberté religieuse complète, neutralité complète de l’État par rapport aux religions mais aucunement le combat contre le besoin métaphysique de l’homme ni contre les religions. »
Soupçonné aussi de proximité avec la galaxie du hors-contrat, Mark Sherringham explique avoir été chargé en 2018-2019 par le ministre d’un rapport – non publié – sur le suivi de la mise en œuvre de la loi Gatel (1). Il confirme être intervenu au nom du ministère auprès de responsables d’établissements hors contrat « pour leur présenter les exigences de l’État dans le cadre de l’inspection ».
À la tête du CSP, instance indépendante composée de parlementaires, de membres du Cese et de personnalités qualifiées, Mark Sherringham devra poursuivre les travaux déjà lancés sur le numérique et la formation des enseignants.
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L’ex-doyen de l’inspection générale de philosophie, que d’aucuns décrivent comme « modéré » et « rigoureux », pourrait aussi se voir confier par le ministre (ou son successeur) le soin de repenser les programmes du collège dans le cadre d’une probable réforme, de même qu’une refonte des maths au lycée. Jean-Michel Blanquer lancera sous peu une consultation sur ce dernier dossier, objet d’un vif débat.
(1) Renforçant les conditions d’ouverture de ces établissements.
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