Les auteurs médiévaux ont philosophé dans la foi, ou en lien avec elle, et ont souvent théorisé leurs pratiques.
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Raison et foi dans « La Philosophie au Moyen Âge »
Les philosophes médiévaux « ont philosophé dans la foi, ou en lien, plus ou moins direct, avec la foi », souligne l’auteur.
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La Philosophie au Moyen Âge
de Serge-Thomas Bonino
Cerf, 264 p., 8,50 €
Ce petit livre n’a « d’autre prétention que pédagogique », prévient d’entrée de jeu Serge-Thomas Bonino. Son ambition, explique le dominicain, est simplement de « tracer quelques larges avenues dans la forêt touffue de dix siècles d’histoire doctrinale, de manière à fournir quelques repères essentiels à partir desquels chacun pourra ensuite approfondir la connaissance du sujet ». Et, pour opérer un tel « débroussaillage », le doyen de faculté de philosophie de l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin à Rome et ancien secrétaire général de la Commission théologique internationale sait se mettre à hauteur du lecteur qui découvre l’univers philosophique du Moyen Âge.
Cette époque est marquée par « l’influence déterminante de la foi chrétienne sur la vie culturelle et doctrinale ». En philosophie, cela se manifeste par une quête de vérité et de sagesse où la médiation de l’autre – et ultimement de cet Autre qu’est Dieu – est essentielle. Les philosophes médiévaux « ont philosophé dans la foi, ou en lien, plus ou moins direct, avec la foi », souligne le dominicain. Dans leur système de pensée, foi et raison ne s’excluent pas. C’est la manière dont ils se sont efforcés de théoriser leur pratique qu’il a donc choisi de privilégier – sans exclure d’autres aspects signifiants de leur pensée.
Après un premier chapitre qui redit le jugement négatif porté sur la philosophie médiévale de la Renaissance jusqu’au XIXe siècle, avant d’être considérée comme une authentique philosophie, le parcours commence par saint Augustin. S’il n’appartient pas à proprement parler au Moyen Âge, il est incontournable de par son influence durable, comme sa manière d’aborder les rapports entre foi et raison. « Augustin, dans son orgueil, a longtemps demandé à la seule raison de lui procurer la sagesse qui donne le bonheur, mais ce fut un échec. Concrètement, c’est la foi qui lui a ouvert le chemin du bonheur », explique Serge-Thomas Bonino, qui repère chez lui trois relations entre raison et foi : la raison prépare à la foi ; l’acte de foi se définit en lui-même comme un ace de l’intelligence ; l’acte de foi débouche sur l’intelligence.
Le parcours chronologique s’arrête d’abord au haut Moyen Âge (VIe-IXe siècle), quand émerge une « nouvelle culture d’inspiration essentiellement chrétienne » qui fait le pont avec la pensée antique grâce à des figures comme Boèce. À la fin de cette période, la question se pose de l’articulation entre les autorités (l’Écriture…) et les raisons dans la vie intellectuelle. Elle devient centrale au XIe siècle. Les arguments rationnels ont-ils leur place dans l’intelligence des mystères de la foi (notamment l’Eucharistie) ? Cette question trouvera sa réponse grâce à saint Anselme de Cantorbéry, qui découvre que la recherche intellectuelle s’inscrit dans le dynamisme même de la quête spirituelle. Dès lors, la raison trouve droit de cité dans la réflexion croyante, sans minorer le rôle des autorités.
La « leçon cursive » de Serge-Thomas Bonino se poursuit avec le XIIe siècle et l’essor des écoles urbaines qui concurrencent les écoles monastiques, le XIIIe marqué par la transformation de la vie intellectuelle, le XVe et le réveil des humanités… Ces évolutions ne sont pas sans effet sur le rapport foi-raison. Des figures comme saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin, Jean Duns Scot ou encore Guillaume d’Ockham font l’objet de chapitres spécifiques, toujours avec une même clarté d’exposition qui permet de mieux comprendre ce que sont la dialectique, l’aristotélisme radical, le nominalisme… Un petit livre d’un grand maître.
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