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L’auteur de la violente agression du militant corse, un codétenu condamné pour des faits de terrorisme, a expliqué son geste par le fait qu’Yvan Colonna aurait « mal parlé du Prophète ». Le parquet national antiterroriste s’est saisi de l’enquête.
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Yvan Colonna agressé : le codétenu explique son geste par un « blasphème »
Prison centrale d’Arles, où Yvan Colonna à été agressé par un autre détenu.
FARINE Valérie/PHOTOPQR/LA PROVENCE/MAXPPP
L’enquête sur la violente agression d’Yvan Colonna au sein de la maison centrale d’Arles (Bouches-du-Rhône), où le militant corse purge une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Érignac en 1998, a pris une nouvelle tournure jeudi 3 mars.
L’agresseur, un codétenu placé en garde à vue, a expliqué son geste par un « blasphème », ont indiqué à l’AFP des sources proches du dossier. Sa victime, qui se trouvait jeudi dans le coma, aurait « mal parlé du Prophète ».
L’agression est survenue le mercredi 2 mars alors qu’Yvan Colonna faisait de la musculation, seul, dans la salle de sport de la prison. Il a été victime « d’une strangulation à mains nues puis d’un étouffement », avait indiqué mercredi le procureur de Tarascon, Laurent Gumbau.
Le parquet national antiterroriste a annoncé s’être saisi de l’affaire le lendemain, notamment en raison du profil de l’homme placé en garde à vue. Ce dernier, âgé de 36 ans, a été condamné en 2015 à neuf ans de réclusion « pour association de malfaiteurs terroriste » après avoir été arrêté en 2012 par l’armée américaine en Afghanistan. Il avait été emprisonné deux ans dans le pays, à Bagram, et remis aux autorités françaises en 2014.
→ LES FAITS. Yvan Colonna grièvement blessé par un détenu dans la prison d’Arles, son pronostic vital engagé
Ce natif du Cameroun, qui a vécu en Normandie, avait été condamné à quatre années d’emprisonnement supplémentaire pour avoir menacé avec une arme blanche un membre du corps médical à l’hôpital-prison de Lille-Seclin (Nord) lors d’une tentative d’évasion. Il a ensuite été jugé pour 14 faits d’incendies et de dégradations en juillet et août 2019 dans sa cellule de Condé-sur-Sarthe (Orne).
Transféré à Arles en 2019, il y occupait une fonction d’auxiliaire chargé du ménage. « Il n’y avait pas eu de signalements particuliers à son sujet ces derniers temps », affirme un syndicaliste de l’administration pénitentiaire à propos du détenu, libérable en 2023.
Selon Bruno Questel, député LREM de l’Eure qui avait récemment rencontré Yvan Colonna en détention, le militant corse n’avait pas non plus fait état de menaces le visant lors de leurs échanges. « Il était en très grande forme physique et mentale », ajoute le parlementaire, qui plaide avec d’autres élus pour un transfert en Corse des trois hommes condamnés – Yvan Colonna, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi – dans l’affaire Érignac en 2003, pour leur permettre de purger le reste de leur peine à Borgo.
Ces demandes réitérées de « rapprochement » avaient été refusées en raison de leur statut de « détenus particulièrement signalés ». Après avoir été incarcéré à Fresnes (Val-de-Marne) et Toulon (Var), Yvan Colonna a été transféré en 2012 à la maison centrale d’Arles, un établissement spécialisé dans la prise en charge de personnes condamnées à de longues peines. S’il avait été amené à solliciter la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), « c’était pour des problèmes de cantine et de suspicion de colis bloqués », ajoute Charline Becker, coordinatrice interrégionale de l’OIP pour le sud-est de la France.
La garde à vue du suspect se poursuit désormais pour « tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Il devrait être transféré vers les locaux de la sous-direction antiterroriste en région parisienne. De son côté, le ministère de la justice a annoncé une mission de l’Inspection générale de la justice destinée à « faire toute la lumière sur les conditions de cette agression d’une particulière gravité ».
Yvan Colonna, arrêté en 2003 après quatre ans de cavale, a toujours nié avoir tiré sur le préfet Érignac. « Ce qui est arrivé est vraiment ahurissant, c’est une anomalie complète », estime Me Sylvain Cormier, un de ses avocats, qui ne comprend pas comment son client a pu se retrouver seul avec un détenu « particulièrement dangereux ». « Son statut de détenu particulièrement signalé est très contraignant, ajoute-t-il. Nous pensions qu’en contrepartie cela lui assurait sa sécurité. »
Son agression a provoqué une très forte émotion en Corse dans les milieux autonomistes et indépendantistes, certains mettant en cause la responsabilité de l’État. « S’il décède, l’administration pénitentiaire et l’ensemble de la hiérarchie politique dont elle dépend devront rendre des comptes », a ainsi estimé sa famille dans un communiqué. Après des rassemblements à Ajaccio et à Bastia, l’université de Corte a été bloquée jeudi matin. Un appel à manifester samedi 5 mars à Ajaccio a également été lancé.
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