Bienvenue à Palatina, « première cité végétarienne du monde » – GEO

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Connue pour sa montagne aux 863 temples, Palitana, dans l’État du Gujarat, en Inde, est un haut lieu du jaïnisme, culte prônant la non-violence et l’interdiction de consommer de la viande. Des moines ont réussi à y faire largement interdire le commerce de chair animale et la ville s’est fièrement autoproclamée, il y a huit ans, première cité végétarienne du monde. Réalité ou simple tactique de marketing ? Notre reportage sur le terrain.
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Elle redescend l’immense escalier avec la lenteur d’une tortue. Toute de blanc vêtue, couleur de la pureté, la nonne, âgée d’une cinquantaine d’années, tient un mouchoir sur sa bouche pour éviter d’avaler le moindre moucheron qui volerait dans les parages. Munie d’un petit balai en fibres de bambou, elle nettoie chaque marche consciencieusement, dans le but d’évacuer tout insecte égaré là. Car dans sa religion, le jaïnisme, l’ensemble du règne animal est considéré comme pourvu d’une âme, mammifères, oiseaux, poissons ou insectes. Alors pas question de risquer d’écraser ne serait-ce qu’une fourmi sous ses pas. La religieuse époussette le sol, s’agenouille, se prosterne, se relève, et passe à la marche suivante. Elle répétera l’opération 3 950 fois. Plus de deux fois le nombre de marches à descendre depuis le dernier étage de la tour Eiffel.
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C’est le prix à payer pour les pèlerins comme elle qui se rendent sur le mont Shatrunjaya, dans la localité de Palitana. Un lieu saint comme surgi de nulle part, incongru, massif, au milieu du paysage plat et désertique de l’État du Gujarat, dans le nord-ouest de l’Inde, et dont le sommet semble avoir été sciemment arasé par les dieux. Dans la brume de chaleur, il dessine un plateau de huit hectares, à environ 600 mètres d’altitude, laissant entrevoir les silhouettes pointues de centaines de temples minuscules. Le sol est jonché de roses fraîches, l’air chargé des effluves du bois de santal et des bâtonnets d’encens. Le soleil est déjà haut dans le ciel et des pèlerins exténués cherchent l’ombre. Avec sa montagne sacrée, Palitana est aux jaïns ce que La Mecque est aux musulmans : un passage obligé dans toute vie de pratiquant. La douleur en plus. Les 3 950 marches de la montagne doivent en effet impérativement être gravies – et redescendues — pieds nus.
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Au plus fort de l’été, en mai, la température frôle parfois les 50 °C. La pierre des marches brûle la plante des pieds. Les plus précautionneux sont munis de genouillères, de ceintures lombaires, ou de pommade antalgique. Certains montent et descendent deux, voire trois fois par jour, dans l’espoir de gagner des vies supplémentaires et de progresser ainsi plus rapidement vers le moksha, l’illumination, le bonheur absolu. Ce que les bouddhistes appellent le nirvana. Apparu au Xe siècle avant J.-C., en même temps que le bouddhisme, le jaïnisme s’est développé presque exclusivement dans le sous-continent indien, à l’instar de l’hindouisme et du sikhisme. « Il s’apparente à une forme d’ascétisme, qui ne laisse aucune place à la notion de plaisir », explique Anand Bordia, un jaïn octogénaire de New Delhi. Particularité : ses adeptes, 6 millions en Inde, s’astreignent à un régime alimentaire quasi végétalien, composé exclusivement de légumineuses, de céréales et, pour les moins rigoristes, fruits et légumes poussant à l’air libre et cuits .
Toute protéine animale est proscrite, mis à part le lait et ses dérivés, le ghee (beurre clarifié), le curd (yaourt) et le paneer (fromage obtenu par caillage). Et à Palitana, berceau historique de cette religion mais où ses adeptes sont pourtant minoritaires dans la population (à peine 2 000 sur 75 000 habitants), cette règle de vie a pris une tournure extrême. Suite à une grève de la faim entreprise en 2014 par 200 moines jaïns soucieux de préserver les abords de leurs lieux saints, la municipalité a éliminé certains commerces du périmètre sacré, faisant passer la cité dans la presse internationale pour la « première ville végétarienne de la planète ». Une fierté pour le Gujarat, l’un des États du sous-continent où l’on mange le moins de viande et où a grandi l’actuel Premier ministre, Narendra Modi, qui se revendique végétarien et qui venait à l’époque d’arriver au pouvoir. Pourtant, comme souvent, on constate sur place que le marketing… est assez éloigné de la vie réelle.
En ce jour de mars, l’idée même d’un repas est totalement bannie par ce couple de pèlerins septuagénaires rencontré sur l’interminable escalier du mont Shatrunjaya. « Quand on vient ici, on ne mange rien, racontent-ils [ils refusent d’indiquer leur nom]. C’est le jeûne absolu. On boit juste de l’eau quand on est en bas, avant d’attaquer la montée. » Arrêtés au premier palier, passé quatre ou cinq volées de marches, ils expliquent être originaires d’Ahmedabad, à quelque 200 kilomètres de là. Ils resteront à Palitana deux jours. « On a prévu de faire sept montées et sept descentes entre aujourd’hui et demain », précisent-ils. « Ainsi, on va gagner trois vies supplémentaires et progresser plus rapidement vers le moksha.» Les époux s’arrêtent devant un rocher marqué du chiffre 1, le premier d’une longue série qui les mènera jusqu’au sommet, telles les stations d’un chemin de croix.
Madame, les cheveux grisonnants tirés en arrière, d’épaisses lunettes sur le nez, est enroulée dans un sari grenat. Elle étale de la main une poignée de riz au pied du rocher, en psalmodiant un mantra en gujarati, la langue vernaculaire locale. De l’index, elle trace entre les grains un svastika, croix gammée pointant vers la droite, symbole sacré du jaïnisme. Monsieur, le corps enveloppé dans une longue étoffe mordorée, allume un bâton d’encens. Il complète la puja – la prière accompagnée d’offrandes –, de son épouse en déposant sur le riz une petite pâtisserie de pâte d’amandes et un billet de 100 roupies (1,20 euro).
Puis, ils remballent leur attirail et reprennent leur ascension, le ventre vide. L’abstinence est une pratique courante chez les jaïns. Elle conduit parfois jusqu’au santhara, le suicide par le jeûne, une pratique controversée reposant sur l’idée qu’en privant le corps de nourriture, le mental s’apaise et conduit alors à une meilleure réincarnation. D’après le Lalbhai Dalpatbhai Institute of Indology, basé à Ahmedabad, quelque 200 personnes choisiraient chaque année cette méthode pour quitter leur enveloppe charnelle. En 2015, l’État du Rajasthan a voulu l’interdire mais la Cour suprême de l’Inde a mis son veto.
Le couple marquera 108 arrêts au long de sa laborieuse ascension d’environ trois heures. Pour les jaïns, ce nombre est porteur des meilleurs présages. « Le 108 est extrêmement important parce qu’en ajoutant 1, 0 et 8, on obtient 9, le dernier chiffre avant 10, explique Anand Bordia, le vieux jaïn de New Delhi. C’est la dernière étape avant le moksha ». Le 1 représente la conscience supérieure, « la plus haute interprétation que l’esprit humain puisse donner de l’Absolu », affirmait Swami Vivekananda, maître spirituel qui fit connaître les religions de l’Inde au monde occidental à la fin du XIXe siècle. Le 0, lui, symbolise l’arrêt total de la pensée, cet état recherché dans la méditation. Quant au 8, il incarne l’infini. Au pied des escaliers de Palitana, une statue dorée géante de 108 pieds de haut (32,90 mètres) a d’ailleurs été dressée à l’effigie de Rishabhanatha, le « divin taureau », surnommé Adinath, l’un des 24 prédicateurs qui, selon la tradition jaïne, accompagnent les âmes vers la délivrance.
Pendant que les pèlerins gravissent les marches du mont Shatrunjaya, dans les rues poussiéreuses de Palitana, étirées en labyrinthe du côté nord de la montagne sacrée, le quotidien ressemble à celui de n’importe quelle ville indienne. Les trottoirs sont encombrés par les charrettes à bras de commerçants en tous genres, vendeurs de pastèques, ananas, papayes, bananes, beignets et chai, le thé aux épices infusé dans du lait en ébullition… En journée, la circulation est dense, les klaxons incessants, le bruit assourdissant. L’agglomération est traversée par la rivière Kharo, un cloaque où s’accumulent les immondices. On ne l’aperçoit qu’en empruntant l’unique pont qui la traverse lorsque l’on arrive de Bhavnagar, le chef-lieu du district, célèbre pour ses marais salants, où nichent des centaines de milliers de flamants roses.
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Au sortir du pont se trouve l’un des plus grands marchés aux légumes, où s’empilent choux, épinards, tomates, aubergines, pommes de terre, ail, oignons. Rien ne laisse imaginer l’ostracisme qui frappe rhizomes et autres tubéreuses dans l’étroit périmètre sacré jaïn, de l’autre côté de la ville. De larges assiettes métalliques présentent au passant des racines de gingembre et de curcuma, des feuilles de coriandre et des petits citrons sphériques typiques d’Asie du Sud. Les gens font leurs courses après 17 heures, une fois le mercure du thermomètre revenu à un niveau supportable. Et font leurs emplettes à la lumière d’ampoules blafardes raccordées dangereusement au pylône électrique le plus proche. Les vaches errent en liberté, les chiens sauvages se battent quand ils ne dorment pas, écrasés par la chaleur. Ici, l’agriculture est le premier secteur pourvoyeur d’emplois, talonnée par l’industrie du polissage du diamant.
La première ville végétarienne du monde ? En tout cas, y trouver une douzaine d’œufs, une cuisse de chèvre ou une belle catla, une carpe pêchée dans le lac voisin de Shetrunji, ne s’avère pas très compliqué. Il suffit de s’écarter de Taleti Road, l’artère principale bordée de magasins de vêtements traditionnels, de boutiques de souvenirs et de fleuristes, pour qu’aussitôt apparaissent les échoppes des bouchers et des poissonniers. Leur marchandise est étalée peu avant le coucher du soleil, sur du papier journal à même le sol, sur un banc en bois ou dans des carrioles vitrées aux couleurs pastel. « Les moines ont fait beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux pour revendiquer leur végétarisme, mais leur priorité c’était de faire déguerpir les vendeurs de viande et d’œufs installés près des lieux de pèlerinage, comme c’est le cas dans les cités hindoues des bords du Gange, Rishikesh, Haridwar et Varanasi [Bénarès] », analyse le journaliste Vasant Soni, 65 ans, assis dans son bureau donnant sur Taleti Road, devant un thé brûlant assaisonné d’épices.
L’idée de déclarer Palitana végétarienne remonte en fait à 1999. Cette année-là, la justice avait déjà publié un décret proscrivant le commerce de viande, de poisson et d’œufs sur le mont Shatrunjaya, ainsi que dans une bande de 250 mètres de large de part et d’autre de la route y donnant accès, sur quatre kilomètres de long. Un petit corridor comparé à l’étendue de la ville. C’est à cause des contrevenants que les jaïns, quinze ans plus tard, ont fait pression sur la mairie pour que la règle soit enfin respectée. Ceux qui faisaient encore commerce de protéines animales ont dû soit opter pour une autre activité, soit s’installer hors du périmètre sacré, ce que la très grande majorité des intéressés ont fait. Sans escarmouches, bien qu’il s’agît de satisfaire la revendication d’une toute petite minorité.
En février 2021, une maire jaïne a été élue à Palitana, une première dans l’histoire de la ville. Mais soucieuse de ne pas représenter que sa minorité religieuse, celle-ci assure aujourd’hui se moquer de « ces histoires » d’alimentation. « Elles ne font pas partie de mes priorités », assure-t-elle. D’autant que le centre-ville a été débarrassé des 150 échoppes qui le souillaient, essentiellement des stands où les gens venaient en fait manger des omelettes et des œufs durs cuisinés sur place.» Et d’expliquer : « La restriction porte sur les commerces non végétariens, pas sur la consommation. » Autrement dit, même à proximité des célèbres escaliers menant aux temples jaïns, pas de problème pour déguster un kebab ou un poulet tikka masala chez soi, du moment que c’est à l’abri des regards.
Dhairyachandra Maharaj fait partie des moines jaïns ayant participé à la fameuse grève de la faim de 2014. Vêtu d’une longue toge immaculée, le crâne rasé, le religieux, 48 ans, juge « inadmissibles » les agapes non végétariennes à proximité des temples jaïns, même à l’intérieur des maisons, dans la sphère strictement privée. Sa congrégation, le Jambudweep, a donné de l’argent aux bouchers, aux poissonniers et aux marchands d’œufs pour qu’ils se convertissent au commerce végétarien ou aillent s’installer ailleurs, en périphérie de la ville. En plus de l’accueil des pèlerins dans ses dharmashalas (auberges), la communauté religieuse se verrait bien traquer maintenant les effrontés carnivores jusque chez eux. « La mairie ne fait rien de concret pour les faire partir », s’agace le moine, feignant d’ignorer qu’il n’a jamais été question que de bannir les vendeurs de viande dans le petit périmètre sacré.
« Au fond, rien n’a vraiment changé depuis 2014 », observe Rumi Shekh, un avocat porte-parole de la communauté musulmane locale. « Chacun vaque à ses occupations et se fiche bien de ce que font les jaïns sur leur montagne. » Parmi les végétariens d’ici, certains sont musulmans, à l’instar de Mahebub Kureshi, journaliste à Bhavnagar, chef-lieu du district dont dépend Palitana. Sa famille a cessé de manger de la viande depuis quatre ou cinq générations, parce qu’elle devenait trop chère, explique-t-il. « Au lieu des biryanis de mouton ou de poulet, plats à base de riz d’origine arabe, on prépare une version végétarienne avec des petits pois et des haricots verts plats. » Mais dans les faits, ses amis non veg de Palitana n’ont « aucune difficulté à trouver les ingrédients nécessaires à la préparation des biryanis à la viande », assure-t-il. Les bouchers ont simplement changé d’adresse depuis que les moines jaïns les pourchassent. Contrairement à ce que s’imaginent certains, l’Inde dans son ensemble n’est pas une nation végétarienne. En revanche, de plus en plus de gens se déclarent veg alors qu’ils ne le sont pas, en raison de la multiplication des attaques contre toute personne soupçonnée de manger du bœuf.
Lynchages et assassinats sont devenus monnaie courante. Cela vaut notamment dans le Gujarat, terre natale du Mahatma Gandhi, qui avait adopté en son temps un mode de vie similaire à celui des jaïns. À Palitana, alors que, d’après les autorités locales, les deux tiers de la population sont non veg, la pression politique et sociale est telle que seule une personne sur quatre le reconnaît ouvertement. Une situation que l’on observe aussi dans le reste du pays, surtout depuis l’arrivée au pouvoir du nationaliste hindou Narendra Modi. Sa formation, le parti du peuple indien (Bharatiya Janata Party), promeut l’idéologie de l’hindutva, « l’hindouité », en magnifiant le mythe de la vache sacrée et en fustigeant les pratiques alimentaires non veg de la majorité des musulmans (14 % de la population).
Pourquoi l’Inde considère-t-elle la vache comme un animal sacré ?
Mais à Palitana, pour se conformer au régime jaïn, encore faut-il avoir les moyens de choisir ce que l’on met dans son assiette. Les légumineuses permettant de pallier les carences en protéines animales, comme les lentilles, les haricots et les pois, restent hors de portée du budget des familles modestes, plus chères encore que la viande. Décider librement de se priver de protéines animales sans risquer de carences, un privilège de riche ? « Bien sûr ! », confirme Kiritbhai Sagathiya, 35 ans, éducateur issu de la communauté des dalits (les « opprimés » ou « intouchables ») de Palitana, dont beaucoup sont employés comme hommes ou femmes de ménage dans les temples jaïns. « Quand les pauvres ne mangent que des légumes bouillis, c’est juste qu’ils n’ont même pas les moyens de se procurer un œuf ! »
Lorsque les vagues de Covid-19 ont submergé l’Inde, l’ascétisme alimentaire des jaïns a néanmoins fait florès en ville et dans le reste du sous-continent. « Le régime végétarien est excellent pour l’immunité », assure Bharat Rathod. Militant de la cause animale et membre de la caste des trayeurs de vaches, cet hindou de 41 ans, qui a monté un service d’ambulances vétérinaires, bataille pour déloger du centre de Palitana, même au-delà du périmètre sacré, les bouchers, volaillers et poissonniers. Sa méthode : débusquer ceux qui n’ont pas d’autorisation administrative pour exercer leur activité. Et au plus fort de la propagation du coronavirus, à la fin de l’été 2020 et au printemps 2021, il distribuait à ses voisins des gobelets de kawa, « une boisson à base de 25 herbes médicinales connues pour renforcer l’immunité, dont le tulsi [une variété locale de basilic, considérée comme sacrée par les hindous et les jaïns], le fruit du neem [ou margousier], le poivre noir, la menthe, le gingembre… » Le breuvage, noir et très fort, ressemble au café – d’où son nom –, et brûle l’œsophage.
Retour sur le mont Shatrunjaya, loin du tumulte de la ville. Au fur et à mesure que les pèlerins gravissent les marches, la végétation s’éclaircit. Banians, catalpas et margousiers verdoyants cèdent peu à peu la place aux cactus et aux gommiers rouges, signe de la grande aridité du sol. Des écureuils zébrés traversent le chemin à la vitesse de l’éclair, des centaines de bulbuls à ventre rouge, passereaux à tête noire qui laissent apparaître en s’envolant le dessous vermillon de leurs queues, piaillent dans les frondaisons. A l’approche du sommet, les silhouettes des temples se précisent. La plupart ont été bâtis entre les XIe et XIIIe siècles, puis restaurés au XVe. Il y en a 863, collés les uns aux autres dans le plus pur style architectural de l’Inde occidentale, l’intérieur rutilant de marbre marqueté.
Il règne là-haut cette légère euphorie provoquée par l’accomplissement de l’effort physique. Les jaïns âgés sont arrivés en palki, une chaise à porteurs en bambou ou en fer. Deep Gada, agent immobilier à Mumbai, lui, a l’endurance de ses 26 ans. « Aujourd’hui, je fête mon anniversaire en venant à la rencontre d’Adinath », murmure-t-il, à peine essoufflé. Le jeune homme s’autorise un ramequin de yaourt. Ce soir, une fois redescendu à Palitana, il dégustera le fameux thali du Gujarat : dans un grand plateau circulaire en cuivre, des aubergines au sésame, un dhal orangé, potage de lentilles doucereux agrémenté de citrouille, une poignée de riz blanc, et un peu de buttermilk, du lait de bufflonne épicé aux graines de cumin. De quoi parvenir à une certaine forme de nirvana, sans attendre celui, si exigeant, de ses frères jaïns.
Par respect absolu pour la vie et la non-violence, les plus pieux renoncent :
En Inde, cohabitent des habitudes alimentaires très différentes, y compris chez les hindous. Toutes confessions confondues, moins d’un Indien sur quatre est végétarien. Les trois quarts des habitants du pays mangent œufs, viande ou poisson. Y compris les hindous, 80 % de la population, dont la majorité consomme poulet, poisson et chèvre… mais rarement du bœuf, la vache étant considérée comme sacrée. Le régime sans protéines animales est en fait un marqueur de pureté religieuse et un symbole d’appartenance à la caste la plus élevée, celle des brahmanes, qui contrôlent la politique et l’économie. Ainsi, les nationalistes hindous au pouvoir ont-ils prohibé l’abattage des vaches dans une grande partie du pays. Mais l’interdit a ses limites : les peaux des bovins morts de leur belle mort sont utilisées en tannerie, faisant du pays un des plus grands producteurs de cuir au monde. Et grâce aux régions où l’abattage des vaches reste permis, l’Inde est sur le podium des exportateurs de viande bovine derrière le Brésil, à égalité avec les États-Unis et l’Australie.
➤ Reportage paru dans le magazine GEO d’août 2022 (n° 522, Bretagne).
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