Guerre en Ukraine : que peut le pape François pour arrêter Poutine ? – La Croix

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François a lancé, dimanche 2 octobre, un appel inédit au président russe et a condamné l’annexion de quatre régions ukrainiennes par Moscou. « Après sept mois d’hostilités, il faut recourir à tous les moyens diplomatiques », a-t-il demandé, enjoignant aussi à « tous les protagonistes de la vie internationale » de prendre des « initiatives de dialogue » contre la « folie » de la guerre.
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Guerre en Ukraine : que peut le pape François pour arrêter Poutine ?
Vladimir Poutine et le pape François lors d’une visite du président russe au Vatican le 25 novembre 2013.
ROPI/ZUMA PRESS/MAXPPP
Laura Pettinaroli, historienne des religions, directrice des études pour les époques moderne et contemporaine à l’École française de Rome
« L’intervention du pape, dimanche, se situe, dans une certaine mesure, dans la lignée des interventions de ses prédécesseurs, lors de conflits aigus. Elle a d’ailleurs été comparée par certains à celle de Jean XXIII, en octobre 1962, lors de la crise des missiles de Cuba. À l’époque, il s’agissait, comme dimanche, d’une intervention orale, ayant trait à une grave crise en cours. L’Union soviétique était partie prenante, et la question nucléaire était également au centre des préoccupations. Jean XXIII y avait dénoncé, comme le pape dimanche, les horreurs de la guerre.
François a, en effet, dénoncé dimanche la guerre comme une « horreur », avec ses « rivières de sang », mais aussi une « erreur » et une « folie », dont les conséquences touchent les plus fragiles, notamment les enfants. Ce point, qui consiste à dramatiser, par des paroles explicites, la violence de la guerre, était aussi central chez Benoît XV (1914-1922) et Pie XII (1939-1958) : il permet de rappeler l’horizon fondamental de l’unité et de la solidarité du genre humain.
Par ailleurs, dénonçant, dimanche, des actes de la Russie allant à l’encontre des principes du droit international, le pape s’est inscrit dans une tradition de la diplomatie vaticane qui s’est affirmée dans les années 1960, au moment où la papauté est vraiment entrée dans le jeu onusien, en assurant une présence à l’Assemblée générale des Nations unies en valorisant fortement le multilatéralisme, mais aussi les droits des minorités. C’est un socle juridique ancien mais que l’Église catholique a fait sien de façon croissante depuis une soixantaine d’années.
Troisième élément : en demandant aux présidents russe et ukrainien, mais aussi aux responsables politiques du monde entier, de faire cesser la guerre par des voies diplomatiques non encore usitées, François réitère en filigrane une offre de médiation. Depuis le début de cette guerre, le Vatican s’est régulièrement situé sur ce terrain, comme en leur temps Léon XIII (1878-1903) et Benoît XV.
Quant à la dimension spirituelle, elle n’est pas non plus absente, puisque François fait référence au sanctuaire, dédié à la paix, de Notre-Dame-du-Rosaire de Pompéi, consacré en 1901, sous le pontificat de Léon XIII, un pape qui avait à cœur de développer les médiations menées par le Saint-Siège.
La question de l’efficacité d’un tel appel est difficile à évaluer. En 1962, l’appel de Jean XXIII avait eu un réel effet, à la fois sur l’opinion publique et comme moteur d’une relative détente entre le Saint-Siège, l’Union soviétique et l’Église orthodoxe russe. Quant à Benoît XV, pendant la Première Guerre mondiale, beaucoup considèrent que son appel à la paix a été inefficace. Cela a été le cas dans le très court terme de l’été 1917, mais les arguments avancés par le pape ont été repris en 1918 par le président américain Wilson dans ses 14 points nécessaires à l’obtention de la paix. »
François Mabille, politologue, spécialiste de géopolitique des religions et directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris)
« La déclaration du pape, dimanche, a deux portées essentielles. Devant les catholiques, ukrainiens notamment, il se pose comme médiateur, en prononçant pour la première fois une parole très forte à l’encontre de Vladimir Poutine. Cette déclaration contribue à rééquilibrer ses prises de position antérieures sur la guerre en Ukraine, en le faisant sortir des erreurs d’analyse qu’il a commises depuis le début du conflit. Ses prises de position depuis février manifestaient en effet une mauvaise compréhension de la réalité du régime russe et du rôle joué par le Patriarcat de Moscou comme soutien idéologique de celui-ci. Au début du conflit, François n’est pas parvenu non plus à nommer l’agresseur.
Ici, la grande différence avec ses déclarations précédentes, c’est que François se réfère enfin au droit international et condamne l’annexion de quatre régions ukrainiennes par Moscou. Il adopte un positionnement classique des papes, appelant à la paix, à la médiation et à la cessation du conflit, en s’adressant directement aux deux protagonistes.
Je ne pense pas pour autant que sa déclaration aura un impact sur le conflit proprement dit. Le pape se pose une nouvelle fois comme médiateur et homme de dialogue mais, comme pour les hommes politiques, c’est extrêmement difficile. À partir du moment où la Russie envahit l’Ukraine, la diplomatie vaticane est aussi impuissante et gênée que les diplomaties étatiques.
Le pape appelle une fois encore – peut-être de manière un peu désespérée – au dialogue et à la paix, en insistant sur les risques d’une escalade nucléaire. Toutefois, dans ce contexte, ce registre est intéressant dans la mesure où l’on n’entend pas de proposition de sortie de crise de la part des responsables politiques, qui se cantonnent à des réponses militaires.
Cela interroge sur le type de positionnement du Saint-Siège : attend-on une parole religieuse ou politique de la part du pape ? L’Église doit-elle prendre une position géopolitique, ou en rester à une réponse humanitaire ? Depuis le début du conflit, François oscille entre ces registres.
Il serait intéressant de comprendre ici comment s’élaborent les prises de position du pape, entre ce qui relève de ses convictions personnelles et ce qui relève de la Secrétairerie d’État, ou d’autres réseaux, jésuites par exemple. Le cardinal Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les relations avec les États, adopte dès mai un positionnement différent du pape en déclarant que l’Ukraine a le droit de se défendre dans certaines limites.
Les convictions personnelles de François, qui se veut homme de paix, ont sans doute surdéterminé ses prises de parole au détriment du positionnement de la Secrétairerie d’État. Celui-ci est beaucoup plus diplomatique, professionnel et conforme à la position de l’Église sur la légitime défense armée. »

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