Paroles de philosophes : « Il faut cesser de traiter les animaux comme des marchandises » – Paris Match Belgique

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En éthologie et en neurobiologie, il est bien établi que les mammifères, les oiseaux, les poissons et de nombreux invertébrés sont « sentients », c’est-à-dire capables de ressentir du plaisir, de la douleur et des émotions. | © Havva Zorlu / We Animals Media
 
Début octobre, quelques 450 philosophes du monde entier ont signé la « déclaration de Montréal », qui condamne « l’exploitation animale », qualifiée d’« injuste et moralement indéfendable ». Une invitation à élargir notre sensibilité morale, à étendre l’humanisme au-delà de notre espèce, à réfléchir à notre relation à la nature mais aussi à la représentation que nous nous faisons de nous-mêmes. Conversation avec l’un des signataires, Mark Hunyadi, professeur de philosophie morale et politique à l’UC-Louvain.
Paris Match. Quelle est l’essence de la « déclaration de Montréal » ?
Mark Hunyadi. L’intention fondamentale de ce texte, signé par des philosophes d’horizons très divers, est de réclamer l’abolition des souffrances inutiles qui sont infligées aux animaux, principalement du fait de l’industrialisation de leur élevage et de leur pêche. Il s’agit de la mise à mort quotidienne de millions d’êtres vivants à des fins mercantiles. Ce texte nous dit qu’il faut cesser de traiter les animaux comme des choses ou des marchandises.
Il y a quelques années, dans l’introduction d’un « Plaidoyer pour les animaux » (éd. Allary), Matthieu Ricard rappelait ce propos d’Alphonse de Lamartine : « On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas. » Ainsi, en des temps différents, un moine bouddhiste et un poète nous ont parlé de leur compassion à l’endroit des animaux. Est-ce de cela qu’il s’agit dans cette déclaration de Montréal ?
Partiellement, car le discours de ces deux auteurs fait plutôt appel à une sorte de sentimentalisme. Ils parlent avec leur cœur. Je n’ai pas de problème avec cela : leur exhortation est certainement utile, car elle invite à élargir notre sensibilité morale à l’endroit des animaux. Pour autant, il ne s’agit pas, à mon sens, d’une bonne argumentation philosophique. Autrement dit, on ne réglera pas cette très vieille question du rapport de l’homme à l’animal en faisant uniquement appel à l’affectivité de nos semblables. Peut-être que cette voie est empruntable pour ce qui concerne les animaux de compagnie, que nous pouvons identifier comme des membres de nos familles. Mais la question qui se pose à nous est bien plus large. Il y a aussi tout ce monde du vivant, avec lequel on a des rapports très abstraits. Notamment ces animaux dont on consomme la chair et qui, à nos yeux de carnivores, n’existent pas en tant qu’individus. Celui qui découpe un gigot ne songe généralement pas à ce que fut l’existence courte et difficile de l’agneau qui se trouve dans son assiette. Ce n’est pas un discours sentimentaliste qui mettra fin à ce déni.
 
Le texte dont vous êtes l’un des signataires s’appuie plutôt sur les connaissances scientifiques les plus récentes ?
Il souligne en effet qu’en éthologie et en neurobiologie, il est bien établi que les mammifères, les oiseaux, les poissons et de nombreux invertébrés sont « sentients », c’est-à-dire capables de ressentir du plaisir, de la douleur et des émotions. Je n’ai aucun doute à l’égard de ces constats scientifiques. En revanche, je suis moins en accord avec cette partie de la déclaration qui affirme que les animaux sont des « sujets » qui ont leur propre point de vue sur le monde qui les entoure, au même titre que les humains, et que, dès lors, ils auraient des « intérêts » à faire valoir, comme n’importe quel autre acteur de la société, lesquels seraient portés par des personnes qui les représenteraient.
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Cela en ferait des sujets juridiques ?
En effet, dans cette vision des choses que je ne partage pas, on leur conférerait des droits au même titre que des humains qui ont besoin d’une protection spécifique, tels les mineurs d’âge ou les personnes handicapées. Aussi, des cochons et des poules, en tant qu’individus, pourraient être défendus par des avocats qui plaideraient leurs causes devant les tribunaux. C’est un point de vue très anglo-saxon qui est, à mon sens, un peu caricatural. Protéger, par respect, des êtres vulnérables qui sont potentiellement à notre merci, c’est une chose ; leur conférer des droits, c’en est une autre. Je ne réfute pas totalement la voie juridique mais je trouve qu’on devrait être, somme toute, bien plus radical. Il faudrait miser sur une évolution de l’esprit humain. Il faudrait éduquer les hommes, leur apprendre à retrouver une certaine intelligence des limites pour qu’ils cessent de maltraiter les autres espèces, pour qu’ils cessent de les considérer seulement comme des ressources, pour qu’ils les respectent. À mon sens, ce serait un chemin moins conflictuel et bien plus porteur d’espoirs.
Pourquoi avez-vous alors signé ce texte ?
Parce que je suis sensible à la cause animale. Parce que j’ai le souci de la souffrance que nous infligeons de manière inutile à d’autres êtres vivants. Cette déclaration, malgré ses défauts, est une invitation à élargir notre sensibilité morale aux autres espèces avec lesquelles nous cohabitons sur cette terre.
Est-il éthiquement justifié de se préoccuper d’une plus grande solidarité avec les animaux, alors qu’il y a encore tant à faire pour favoriser une plus grande fraternité entre les humains ?
Oui, parce que le regard que l’on porte sur notre rapport aux animaux nous invite à réfléchir aussi à ce qu’est la société humaine, à la représentation que nous avons de nous-mêmes et in fine à notre propre nature animale. C’est ce que j’appelle « l’effet Brigitte Bardot ». La chose qu’on lui a le plus reprochée, c’est de s’occuper tant des animaux et si peu des humains. Mais il faut plutôt percevoir l’utilité objective du combat qui a été mené par cette comédienne à la retraite : en attirant l’attention sur la souffrance animale, elle a suscité, à son corps défendant sans doute, une réflexion sur la société des hommes et, au bout du compte, sa démarche a donc conduit à une plus grande attention au sort des animaux, mais aussi à celui des humains. À sa manière, comme le moine et le poète que vous avez cités tout à l’heure, comme les philosophes qui ont signé la déclaration de Montréal, elle a participé à ce long chemin vers une plus grande sensibilité morale de notre espèce. S’occuper des animaux nous conduit à réfléchir à ce que nous sommes, à ce que nous réalisons sur cette terre, à nos interactions avec les autres êtres vivants, y compris les humains.
Le cœur du débat ne serait donc pas tant de donner des droits aux animaux que de réfléchir à notre vision du monde, et plus singulièrement à la relation que nous entretenons avec la nature ?
C’est parfaitement cela. Plutôt que de donner un statut à des animaux, plutôt que de jauger leurs intérêts avec un regard très anthropocentrique, nous devrions revisiter nos croyances, cette vision du monde qui nous a conduit à maltraiter la nature, à tuer en masse d’autres espèces en les considérant seulement comme des ressources, des moyens de satisfaire des besoins gustatifs et autres. Encore une fois, c’est là que se trouve la vraie utopie : changer notre vision du monde au profit d’un humanisme moins arrogant, plus respectueux des autres espèces. Un exemple : on pourrait interdire la chasse, c’est une voie tout à fait praticable sur le plan juridique, bien qu’il y aurait certainement encore des braconniers. Mais ne serait-ce pas plus profitable pour les animaux de travailler à l’élévation de la sensibilité morale des hommes, au point qu’à l’avenir, aucun d’entre eux ne puisse encore ressentir le désir de tuer des animaux sauvages pour son seul plaisir, et que la pratique de la chasse soit unanimement considérée comme un acte honteux et intolérable ?
D’évidence, la critique de toutes les formes de domination est de plus en plus forte. On peut donc avoir l’intuition qu’on se dirige vers un monde qui aura un souci beaucoup plus grand du vivant, et où les hommes seront beaucoup plus protecteurs envers les autres espèces
Ce point de vue philosophique n’est-il pas trop optimiste ?
Je ne le crois pas. Il suffit de poser un regard sur le passé pour se rendre compte que la sensibilité morale des hommes est en constante évolution. Dans la démocratie grecque que l’on vante si volontiers, seuls quelques centaines de mâles avaient le statut d’hommes libres : les femmes, les esclaves, les « métèques » étaient hors du champ politique et moral. Et puis, cela s’est élargi. Aujourd’hui, l’égalité des droits de tous les humains fait partie de notre vision non négociable du monde. Nos contemporains éprouvent une réprobation unanime à l’égard du travail des enfants mais, il n’y a pas si longtemps, celui-ci était encore une réalité dans la société belge. De même, l’esclavage a été pratiqué pendant des siècles, alors que maintenant il est unanimement et justement réprouvé. On peut aussi songer aux exécutions en place publique, auxquelles on procédait autrefois devant des spectateurs qui venaient y assister en famille. Ou encore aux zoos humains, qui exhibaient des hommes « exotiques » jusque dans les années 1930. Qui imaginerait encore des horreurs pareilles aujourd’hui ? Notre sensibilité morale est donc en évolution constante. C’est un processus qui se poursuit inexorablement et qui vaut aussi pour la cause animale.
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Des mouvements comme #MeToo, Black Lives Matter ou les mobilisations– principalement des jeunes – pour le climat ne s’inscrivent-ils pas dans cette évolution de la vision qu’ont les hommes d’eux-mêmes et de leurs interactions avec la planète ?
Bien sûr. Et la réflexion sur notre rapport au monde animal est un élément de cette dynamique. Sans doute cette dernière a-telle été favorisée par l’émergence des réseaux sociaux, mais elle s’est aussi renforcée à la faveur d’événements qui ont cristallisé des prises de conscience : « l’affaire Weinstein » pour #MeToo, les meurtres racistes commis par des policiers américains pour Black Lives Matter, ou les vidéos d’activistes qui ont révélé l’horrible réalité des abattoirs industriels, où l’on tue chaque année des milliards d’animaux que l’on a fait naître artificiellement dans le seul but de les tuer. D’évidence, la critique de toutes les formes de domination est de plus en plus forte. On peut donc avoir l’intuition qu’on se dirige vers un monde qui aura un souci beaucoup plus grand du vivant, et où les hommes seront beaucoup plus protecteurs envers les autres espèces. Peut-être que, dans quelques décennies à peine, les élevages industriels apparaîtront aussi immoraux que l’esclavage. Les mentalités évoluent très vite. Notre vision de nous-mêmes et du monde avance tellement qu’on peut poser l’hypothèse qu’il y aura finalement une nouvelle révolution copernicienne.
Une « nouvelle révolution copernicienne », dites-vous ?
Oui, un changement radical de la représentation que l’homme se fait de lui-même, de ses interactions avec les autres espèces, de sa place dans la nature. Pour comprendre ce point de vue, je vous invite à nouveau à plonger dans l’histoire. Dans l’Antiquité, la vision du monde était bien différente de celle d’aujourd’hui. Les penseurs de ce temps vouaient une admiration au bel ordonnancement de l’univers, ils se voyaient comme des éléments parmi d’autres qui devaient s’intégrer dans le cosmos. Bien sûr, en ces temps très anciens comme actuellement encore, il y avait cette obsession philosophique de vouloir distinguer l’homme de l’animal mais, globalement, la vision de la place de l’homme dans l’univers était empreinte d’humilité. À partir du XIVe siècle, les choses se sont totalement inversées.
De quelle manière ?
Cela s’est passé dans cette époque magnifiquement mise en scène par « Le Nom de la rose » d’Umberto Eco. Sous l’impulsion de théologiens comme Guillaume d’Ockham, l’homme a commencé à se voir comme un être libre, créé à l’image de Dieu, et donc doté d’une volonté souveraine lui permettant de façonner un monde dont il serait la figure dominante. Cette vision de l’individu, qui est encore celle qui prévaut aujourd’hui, a eu un extraordinaire pouvoir émancipateur. Germant pendant plusieurs siècles, cette petite graine a conduit à une remise en question des ordres politiques et religieux anciens. Elle a été aussi à l’origine de l’économie de marché, de la science moderne et, finalement, de ces grands bonds technologiques que nous avons faits au fil des siècles. Elle a débouché sur une représentation de l’homme qui a bien été résumée par René Descartes : en 1637, ce penseur de la rationalité considérait dans son « Discours de la méthode » que les hommes sont « maîtres et possesseurs de la nature » et qu’ils peuvent la modeler par le savoir, la technologie, la science. C’est la conception d’un homme dont la volonté supplante toutes les limites naturelles, qui – à l’instar de Dieu – est capable de modifier le monde à l’envi, qui impose ses exigences à la nature. Au point que tout ce qui n’est pas humain – ce qui nous ramène à la discussion sur notre perception des animaux – devient une ressource destinée à contribuer au dessein humain. Ce fut là la naissance de l’homme « moderne » qui, avec une grande arrogance, s’est mis à croire que son aptitude au « progrès », son savoir et sa technicité pouvaient faire de lui le maître du monde.
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Dans cette vision, il n’est plus cet élément qui s’intègre harmonieusement dans le cosmos, c’est lui qui façonne l’univers avec un orgueil sans limite, voire sans barrières morales ?
Voilà, c’est sa volonté qui supplante tout. Quitte à détruire la planète, à faire souffrir d’autres espèces, voire d’autres hommes déclarés « inférieurs », « animalisés », perçus à leur tour comme des ressources. C’est l’histoire de la colonisation, aujourd’hui réprouvée, autrefois perçue comme un progrès civilisationnel. C’est encore l’histoire de l’industrialisation du XIXe siècle, qui ne se préoccupait pas du bien-être de la classe ouvrière et de la dégradation de l’environnement. C’est encore notre histoire actuelle quand l’aventure humaine détruit la biodiversité et le climat, par exemple avec la dégradation constante de la forêt amazonienne.
Notre volonté de nous affranchir de la nature nous a rendu trop orgueilleux ?
Oui, l’homme a perdu l’intelligence des limites. On est tombé dans un syndrome de toute-puissance. Mais on voit aujourd’hui une espèce de retour de manivelle avec le dérèglement climatique, la mise en péril d’innombrables autres espèces, la destruction de l’environnement. Pour finalement se rendre compte que notre suffisance menace notre propre existence.
La problématique du respect des animaux est donc un élément de ce questionnement sur notre vision du monde ?
Ce l’est, à l’évidence. L’élevage industriel, cette mise à mort d’êtres vivants réduits à des marchandises qui sont sources de profit, n’est pas seulement contestable sur le plan éthique ; elle l’est aussi sur le plan écologique, car elle représente une menace pour l’homme lui-même. Quinze pour cent des émissions de gaz à effet de serre sont uniquement dues à l’élevage d’animaux destinés à la consommation humaine. Cela représente plus que tous les avions, bateaux, trains et voitures réunis. Selon une étude de l’université d’Oxford, si les sept milliards d’humains ne consommaient plus de chair animale, les émissions de gaz à effet de serre diminueraient de 70 %. Il y aurait aussi plus de terres cultivables, car il faut beaucoup de végétaux pour alimenter les bêtes d’élevage : pour être produite, une calorie de viande nécessite sept calories végétales. L’élevage est donc une des causes importantes du réchauffement climatique. Il accapare la moitié de l’eau potable et les deux tiers des terres cultivables. Donc les humains sont aussi les victimes de leur rapport aux animaux.
Décidément, cette conversation sur le respect que l’on doit aux animaux nous conduit systématiquement à parler des intérêts de notre propre espèce. Que pensez-vous de cette idée que l’on trouve dans le confucianisme, selon laquelle il y aurait une correspondance entre la manière dont une civilisation traite les animaux et celle dont ses élites traitent les hommes « ordinaires », ceux qui n’ont ni la primauté du savoir, ni la primauté du pouvoir ?
Qu’en effet, il existe un rapport d’analogie entre la manière dont on traite les animaux et la violence sociale. Le philosophe Theodor W. Adorno a bien démontré comment la domination de la nature est le corollaire de la domination de l’homme sur l’homme. On commence par se différencier des animaux pour ensuite différencier les hommes entre eux : l’homme et la femme, le national et l’étranger, les esclaves et les hommes libres. Parfois en qualifiant les discriminés « d’animaux », voire en les traitant tels comme des animaux, comme l’induit le délire fasciste. Claude Lévi-Strauss disait à cet égard qu’« en s’arrogeant le droit de séparer radicalement l’humanité de l’animalité, en accordant à l’un tout ce qu’il refusait à l’autre, l’homme a ouvert un cercle maudit (car) la même frontière sans cesse reculée sert ensuite à écarter des hommes d’autres hommes ».
Il est clair qu’en finir avec l’élevage et la pêche industrielle rendrait notre relation aux animaux plus éthique. Mais n’est-il pas tout aussi évident que, dans de nombreuses régions du monde, voire dans certaines couches sociales de notre société, vivre sans manger de chair animale n’est tout simplement pas praticable pour le moment ?
Je partage ce questionnement. Nombre d’humains n’ont pas le choix. Dans le monde, deux milliards de personnes souffrent déjà de malnutrition et de famine, et la perte des protéines animales les priveraient de nutriments difficiles à remplacer. Aussi peut-on considérer que le véganisme est un luxe de consommateurs occidentaux. Mais le véganisme a aussi cette vertu de faire évoluer notre sensibilité aux animaux, à l’égard du vivant. L’idée n’est donc pas d’imposer le véganisme ici et maintenant, mais il faut abolir la mise à mort industrielle des animaux. Toutefois, il serait malhabile de vouloir remettre en cause de petits élevages dans des fermes où l’on trouve quelques dizaines de vaches et de cochons. Il ne faut pas rendre la cause animale détestable aux yeux de la société.
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Finalement, vous rejoignez le point de vue de PETA (People for the Ethical Treatment of Animals), la plus grande organisation au monde luttant pour les droits des animaux. Sa présidente estime que la démarche abolitionniste n’est pas réaliste, qu’il vaut mieux d’abord œuvrer pour le « bien-être animal », dans un monde qui n’est pas encore prêt à supprimer l’élevage et la consommation de chair animale.
Les philosophes, particulièrement les philosophes de la morale dont je suis, doivent toujours réfléchir avec des lunettes bifocales. Il faut avoir un œil pour l’idéal mais cela ne doit pas exclure une prise en compte de la réalité telle qu’elle est, des rapports de force tels qu’ils existent. Les considérations d’une organisation comme PETA sont sans doute fondées sur le plan stratégique. Mais encore une fois, le cœur du problème – ou mieux encore, sa racine – est la représentation que l’homme moderne se fait de lui-même. Il s’agit de cultiver une intelligence des limites, de lui redonner de l’humilité dans son rapport à la nature. C’est cela l’utopie fondamentale, car sa conséquence est le respect des formes d’existence qui ne sont pas humaines, non parce qu’on devrait voir les animaux comme des sujets de droit, non parce qu’ils nous ressemblent en certaines manières ou encore parce qu’ils sont sentients, mais parce qu’ils sont autres, tout simplement. Autrement dit, il est important de réfléchir au bien-être des animaux, mais il l’est encore plus de modifier notre représentation de nous-mêmes. Si nous y arrivons, le reste en découlera tout à fait naturellement. Si nous devenons plus humbles, moins arrogants, la protection des autres espèces vivantes apparaîtra enfin comme une évidence incontournable pour tous les humains.
Heureusement, les jeunes d’aujourd’hui qui manifestent en nombre pour le climat et la biodiversité semblent bien plus conscients de ces enjeux que les générations qui les ont précédés ?
Je partage ce constat. Permettez-moi de faire mention de ma fille âgée de 8 ans. Sa vision du monde me semble plus riche que la mienne au même âge, car elle réfléchit déjà à nombre de questions en se demandant, tel un préalable, ce qui est bon et ce qui n’est pas bon pour la planète, pour les espèces qui y coexistent. Beaucoup de jeunes, aujourd’hui, cultivent déjà l’intelligence des limites. C’est pour cela qu’on peut ne pas être totalement désespéré.

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