Pourquoi sommes-nous surpris lorsque les bouddhistes sont violents? – Slate.fr

Repéré par Léa Polverini
Temps de lecture: 2 min — Repéré sur The New York Times
Le bouddhisme est auréolé en Occident d’une présomption d’innocence tenace. L’exotisme a fait son office, et le Dharma (ce qui relève de la doctrine) apparaît souvent comme une chose un peu mystérieuse mais bonne, méli-mélo d’amour, compassion et vertu, tous ensemble tendus vers la paix universelle.
Alors que toutes les religions sont régulièrement et tour à tour accusées des maux de la violence, le bouddhisme semble échapper à cela et baigner dans une immunité idéologique qui le lave et le préserve de tout soupçon. Cette préséance a été quelque peu bousculée avec le nettoyage ethnique qui se déroule en Birmanie à l’encontre des Rohingyas, et l’admiration a laissé place à la stupéfaction: comment des bouddhistes, pis encore, des moines bouddhistes, supposément pacifistes, pouvaient se rendre coupables de telles exactions?
Pour comprendre cet étonnement, il faut replonger dans l’histoire du bouddhisme, qui est avant tout une histoire humaine, souligne le New York Times.
Entre la guerre civile du Sri Lanka, la violence politique en Thaïlande, la complicité des institutions bouddhistes avec le nationalisme japonais de la Seconde Guerre mondiale ou encore les rivalités entre la secte du Dalaï Lama et d’autres monastères, les sociétés bouddhistes n’échappent pas à une histoire de la violence. Mais surtout, la forme du bouddhisme a évolué, portant de nouveaux enjeux.
Le «bouddhisme moderne», émergé progressivement au cours des XIX et XXe siècles, sous la domination coloniale des pays d’Asie, s’est peu à peu constitué, tirant diverses traditions de Chine, du Sri Lanka, du Tibet, du Japon ou de la Thaïlande, comme une forme «œcuménique» de bouddhisme, expliquent Dan Arnold et Alicia Turner. Celle-là s’est «distinguée par un accent nouveau sur la méditation, et un mépris correspondant pour les rituels, les reliques, la renaissance de toutes les autres dimensions particulièrement “religieuses” des nombreuses traditions bouddhistes de l’histoire».
Si la violence actuelle déployée contre les Rohingyas n’est pas strictement religieuse et se joue également dans les rapports entre la dictature militaire et la Ligue nationale pour la démocratie, elle demeure liée à des campagnes idéologiques (comme celles menées par Ashin Wirathu, à qui Barbet Schroeder consacrait son dernier documentaire) visant à «faire revivre la tradition bouddhiste de Birmanie (entendue par certains comme le marqueur de la “vraie” identité birmane, et à la protéger, particulièrement contre la menace que l’on considère que l’islam représente», expliquent les chercheurs.
«Une notion centrale de ce discours est l’idée que le bouddhisme est menacé dans le monde contemporain —une idée qui apparaît non seulement dans l’histoire de Birmanie mais aussi dans les textes bouddhistes, écrits dans la langue indique pali, qui sont considérés comme canoniques en Birmanie.

En affirmant que les Rohingyas sont des immigrants illégaux qui promeuvent une religion exclusive et prosélyte axée sur une conquête géographique et culturelle par la conversion et le mariage, certains dirigeants bouddhistes en Birmanie exploitent ainsi la même présomption de tolérance et de paix uniformes qui font que de nombreux Occidentaux sont uniquement surpris par la violence bouddhiste.»
GRAND FORMAT Les jouets improvisés des enfants rohingyas dans l’enfer de l’exil
Sous la colonisation anglaise, l’identité religieuse a pris une importance considérable, comme marqueur communautaire, divisant bouddhistes birmans, hindous indiens et musulmans: la tolérance assignée aux bouddhistes jouait contre les pratiques jugées «arriérées» et «superstitieuses» des autres. Ce sont les mêmes ressorts qui sont mobilisés aujourd’hui par les nationalistes birmans contre les Rohingyas.
La dissociation entre une doctrine donnée et son exploitation politique a ainsi contribué à creuser l’écart entre une conception angélique du bouddhisme comme «état d’esprit» et ses expressions historiques, sociales et géographiques.
«Notre propre perception du bouddhisme comme pacifique et tolérant peut elle-même contribuer à un discours global qui a, entre autres choses, représenté les musulmans comme des sous-citoyens —en fait, des sous-hommes— en Birmanie comme dans bien d’autres endroits», concluent les chercheurs.
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