Les religions ont-elles contribué à la prise de conscience écologique ? – La Croix

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Depuis la première conférence des Nations unies sur l’environnement, connue sous le nom de conférence de Stockholm, il y a tout juste 50 ans, la prise de conscience écologique a connu différentes phases. Si l’encyclique du pape François Laudato si’, en 2015, a marqué un tournant pour l’Église catholique, les religions n’ont pas toujours été en pointe sur la question environnementale.
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Les religions ont-elles contribué à la prise de conscience écologique ?
Stéphane Lavignotte, pasteur, théologien protestant et militant écologiste, auteur de L’Écologie, champ de bataille théologique (1)
« Les religions ont contribué tôt à la prise de conscience écologique, mais elles se sont endormies ensuite, avant de se réveiller récemment. La conférence de Stockholm en 1972 avait été marquée par un service œcuménique à la cathédrale et la prédication du théologien protestant André Dumas avait été publiée en une de l’hebdomadaire Réforme. Cela n’arrivait pas de nulle part. Depuis 1966, le Conseil œcuménique des Églises (COE) organisait des conférences sur l’avenir de la société industrielle, auxquelles a été associé Ivan Illich, prêtre, un des penseurs de l’écologie politique et de la convivialité. En 1974, le COE organise une conférence œcuménique où sera forgé le concept de « développement soutenable ».
Ce qui est intéressant, c’est que les religions ne se sont pas contentées de dire qu’il fallait s’occuper des modes de vie, des structures, elles ont souligné que l’avenir de l’écologie se jouait au niveau de nos imaginaires : ce qu’on retrouve avec bonheur dans l’encyclique du pape François Laudato si’. En outre, les Églises vont insister sur les dimensions sociales de cette question : c’est ce que le pape appellera une « écologie intégrale », prenant en compte les inégalités Nord-Sud, les pauvres, la question des villes.
Hélas, comme dans une grande partie de la société, cette dynamique s’est fortement ralentie à la fin des années 1980, avec un creux dans les années 1990. Les mouvements qui portaient cette question, comme Justice et Paix-France dans le catholicisme, ont rencontré des résistances. Ensuite, alors que les Églises avaient pu être vues comme précurseures, elles ont plutôt semblé être devancées par les demandes de la société avant la COP 21, la conférence des Nations unies de 2015 sur les changements climatiques.
La même année paraissait Laudato si’, texte dont je pourrais signer 98 % du contenu, qui est sur une base biblique partageable dans un cadre œcuménique et complètement lisible par des non-croyants. Vu de l’extérieur, on a l’impression que l’Église catholique a accéléré la cadence, et c’est une bonne nouvelle. Comme protestants, nous pouvons accomplir toutes les accélérations que nous voulons, nous sommes 1 % de la population mondiale ; je crois à la force des minorités actives, mais il y a des limites ! L’effet d’entraînement sur la société est nettement plus important quand cela vient de l’Église catholique.
Malheureusement, Laudato si’ a fait l’impasse sur l’examen de ce qui avait posé problème dans la théologie chrétienne. Ce qui manque aujourd’hui, pour réellement renverser la compréhension du « Dominez la terre » de la Bible comme un « Exploitez la terre », c’est justement de faire l’inventaire des trésors et des complications qui demeurent dans notre mémoire. Nous rendrons ainsi service à la société, car elle est aussi nourrie de cette vision théologique. »
Louise Geisler-Roblin, doctorante en philosophie politique
« Sur les questions écologiques, les religions ont, bien sûr, dit beaucoup de choses, mais il me paraît difficile de quantifier leur contribution à la prise de conscience écologique. Je dirais plutôt qu’elles ont participé au débat.
À partir des premières mises en garde des milieux scientifiques, ces questions écologiques ont fait l’objet d’une sorte d’appropriation spirituelle. Des penseurs, protestants notamment (Jacques Ellul, Bernard Charbonneau), se sont interrogés dès les années 1960 : qui sommes-nous, nous, les humains, pour nous croire supérieurs aux autres êtres et les utiliser à nos fins ?
Ces questionnements se sont poursuivis dans les années 1980, avec des personnalités comme Jean-Marie Pelt ou Pierre Rabhi. Ce dernier fréquentait les milieux catholiques, mais s’inspirait des sagesses orientales. Des personnes se réclamant du bouddhisme se sont d’ailleurs inspirées de cette spiritualité d’union avec le monde pour proposer de réduire la distance entre les hommes et la nature.
Pour ce qui est des institutions religieuses, les Églises protestantes et orthodoxes ont été plus rapides pour se positionner. Est-ce parce que le catholicisme ne s’intéressait qu’aux réalités d’en haut ? C’est en tout cas le reproche qui lui a été fait. La « lourdeur » de l’institution ecclésiale catholique explique aussi qu’elle ait été plus longue à réagir.
Une cinquantaine d’années plus tard, ce retard me semble en partie rattrapé. Les Églises ne se contentent plus d’alerter sur le danger environnemental pour les générations futures, mais elles disent en substance que pour être vraiment chrétien, il importe de vivre de façon écologique.
À partir des années 2000, l’Église catholique a pris des positions fortes. Par l’intermédiaire des papes, mais pas seulement ! Le peuple des fidèles s’est emparé de la question. Je pense aux Assises chrétiennes de la mondialisation de 2003-2004, qui comportaient une dimension écologique très forte, ou encore à la démarche de conversion écologique entreprise par les Scouts et Guides de France.
Les papes, pour leur part, ont vu l’écologie comme un problème social, et François est celui qui a poussé cette dimension le plus loin avec Laudato si’. Il y écrit que la crise écologique, loin de « concurrencer » les questions sociales, relève du même problème. Cette idée a sans doute orienté les discussions lors de la COP21, dont la tenue en 2015 a coïncidé avec la publication de l’encyclique. Pour le pape, il ne s’agit pas uniquement de poser des actions, mais de changer son cœur pour mieux habiter la planète.
Ce que Laudato si’apporte de plus par rapport aux autres religions, c’est surtout une espérance. Car le pape voit dans la crise écologique une occasion inespérée de réapprendre à vivre de façon incarnée sur cette planète. Il termine son encyclique sur l’idée qu’à la fin, tous les êtres partageront la vie éternelle, et que le salut vient de Dieu. Mais entre-temps, nous devons agir pour prendre soin de notre planète : même si le salut ne vient pas de nous, nos actions et nos luttes ont une importance. »
→ PODCAST – « Place des religions », comprendre les défis écologiques

(1) Textuel, 192 p., 17,90 €
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