Violences sexuelles: le bouddhisme tibétain mis en cause – Libération

Sogyal Rinpoché (à droite), lama proche du dalaï-lama, démis de ses fonctions en 2017 après des accusation d’abus sexuels et viols. (Patrick Pleul/dpa Picture-Alliance. AFP)
Avec le documentaire Religieuses abusées, l’autre scandale, diffusée il y a trois ans, Arte avait lancé un énorme pavé dans le bénitier de l’Eglise catholique, levant le voile sur l’un des crimes les mieux gardés. L’affaire avait fait grand bruit ; les témoignages étaient poignants, radicaux, implacables. Souvent peu relayés… En cette rentrée, la chaîne franco-allemande met à mal, cette fois-ci, la glorieuse réputation du bouddhisme tibétain dont l’image de marque est portée à travers le monde par la figure charismatique de Tenzin Gyatso, 14e dalaï-lama d’une importante lignée de leaders religieux, Prix Nobel de la paix en 1989. En Occident, le bouddhisme tibétain (en vertu peut-être d’un certain exotisme) bénéficie d’un attrait rare. Le travail d’enquête mené par Elodie Emery et Wandrille Lanos, les réalisateurs de Bouddhisme, la loi du silence (disponible en streaming jusqu’au 11 novembre), plonge dans l’envers du décor.
Les auteurs du film racontent, comme fil conducteur, le combat de Ricardo Mendès, un quadragénaire «abandonné», d’après ce qu’il en dit, par ses parents alors qu’il était jeune enfant, dans une communauté bouddhiste tibétaine implantée dans le sud de la France. Il n’était pas le seul. Mendes est le porte-parole de 23 victimes que l’on voit témoigner lors d’une audience au tribunal de Liège. Le lieu, à Castellane (Alpes-de-Haute-Provence) était dirigé par Robert Spatz, sous le coup d’une procédure judiciaire en Belgique. Pour le moment, le lama, l’un des Occidentaux qui a introduit le bouddhisme tibétain en Europe, vit dans le sud de l’Espagne, échappant ainsi aux poursuites. Privation de nourriture, sévices, abus sexuels, goût prononcé pour l’argent… La liste des faits reprochés à Spatz est longue.
A ce sombre tableau, s’ajoute l’affaire déjà connue des dérives financières et sexuelles de Sogyal Rinpoché, un lama proche du dalaï-lama qui avait autour de lui une véritable cour – notamment de jeunes femmes à qui il imposait une forme de tyrannie –, lui aussi grand apôtre du bouddhisme tibétain en Occident. Il n’y a pu y avoir de poursuites judiciaires contre Sogyal Rinpoché qui a fui en Thaïlande, où il est mort en 2019.
Lors d’une réunion avec le dalaï-lama qui s’était tenue au début des années 90, plusieurs maîtres occidentaux du bouddhisme tibétain lui avaient demandé de s’engager contre ces dérives, de protéger des adeptes souvent crédules, prêts à donner généreusement de leur temps et de leur argent. Les promesses formulées sur le moment semblent, selon le documentaire, être restées lettre morte. Est-ce des considérations politiques qui ont retenu le dalaï-lama ? C’est ce que les auteurs du film laissent entendre. Le dirigeant religieux, de fait, s’appuie sur l’Occident pour mener sa lutte contre le pouvoir chinois.
Le documentaire n’écorne pas seulement la réputation du prix Nobel de la paix. Mais aussi du moine bouddhiste français Matthieu Ricard, l’une des grandes voix en Occident du bouddhisme tibétain. Les auteurs du film soutiennent qu’il a été mis au courant des dérives de Robert Spatz. Ricard avait demandé aux réalisateurs, selon eux, de ne pas utiliser ses propos filmés lors de leur longue enquête. A l’annonce de la diffusion du documentaire, celui-ci a publié un communiqué : «L’ambition de ce documentaire est salutaire car libérer la parole des victimes est difficile […] L’ampleur des sévices dénoncés et de la souffrance des victimes est terrifiante», écrit-il.
Touffu mais de belle facture, le film se perd parfois à travers une galerie conséquente d’intervenants de grande qualité. Les uns et les autres ont peu d’espace et de temps pour dérouleur leur témoignage et leur analyse. C’est la principale faiblesse du documentaire. Mais il fait œuvre salutaire.
Reste un point qui mériterait d’être approfondi. Est-ce sa diffusion en Occident qui a favorisé les dérives financières et sexuelles du bouddhisme tibétain ? Sans doute pas. D’autres affaires de pédocriminalité ont été signalées, il y a quelques années, dans des monastères bouddhistes en Thaïlande. Centrées depuis un quart de siècle sur l’Eglise catholique, les révélations des violences sexuelles ne concernent pas seulement cette institution. Bouddhisme, la loi du silence est aussi emblématique d’une vague à venir, celle de la dénonciation des dérives dans d’autres confessions religieuses.
© Libé 2022
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